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John Cage, Variations VII

John Cage, Variations VII

John Cage, Variations VII

Variations VII, performance électroacoustique de John Cage, fut présentée les 15 et 16 octobre 1966. Dans la droite ligne de sa philosophie musicale, on y voit le compositeur, assisté d’une équipe d’ingénieurs et de musiciens, mélanger en temps réel des sons transmis de la ville et le bruit d’ustensiles quotidiens, le tout provoquant une incroyable masse sonore.
Comparée au grondement des chutes du Niagara par l’artiste Nam June Paik présent lors de la soirée, Variations VII est tenue pour l’une des plus belles pièces électroniques de John Cage, qui, selon son habitude, compose avec toute sorte de bruits parasites un immense poème musical : le son des transistors, ventilateurs, grille-pain et autres instruments ménagers sont ici mixés avec ceux de différents lieux de New York reliés par téléphone : le bocal à tortue de Terry Riley, les rotatives de l’imprimerie du New York Times, le studio de Merce Cunningham, une salle de restaurant... Serrés derrière deux tables jonchées d’amplificateurs et de câbles, éclairés par des projecteurs posés à même le sol, un groupe d’opérateurs, tels des serveurs derrière un bar, actionnent des modulateurs, branchent et débranchent des micros sous le regard médusé du public, tandis que roulent et retentissent, dans les hauteurs de l’Arsenal, les déflagrations de cette symphonie concrète entièrement improvisée. 


Source : Sylvain Maestraggi

Cage, John

Entre 1934 et 1937, John Cage étudie la composition en Californie avec Arnold Schoenberg. Lors de son arrivée à New York en 1942, le compositeur se dégage du dodécaphonisme pour développer ses propres techniques d’écriture influencées par les philosophies asiatiques (taoïsme, zen) et basées sur l’indétermination. À la fin des années 1940, Cage explore les possibilités acoustiques du piano préparé (instrument altéré par l’insertion de divers objets entre ses cordes). Dans les années 1950, il participe aux cours d’été du Black Mountain College (Asheville, Caroline du Nord, États-Unis) et enseigne à la New School for Social Research (New York, N.Y., États-Unis). C’est également à cette époque qu’il amorce une collaboration échelonnée sur plusieurs années avec le musicien et compositeur David Tudor.
 Lors de la décennie suivante, Cage utilise fréquemment des sons électroniques, des bruits immédiats de l’environnement ainsi que des émissions radiophoniques captées aléatoirement au sein de ses compositions. Les œuvres de cette période, souvent réalisées avec des représentants d’autres disciplines tels Merce Cunningham et Robert Rauschenberg, mettront également de l’avant la dimension théâtrale de la performance musicale. Cette phase expérimentale atteint son apogée en 1969 avec HPSCHD (œuvre écrite en collaboration avec Lejaren Hiller) présentée à l’University of Illinois (Urbana, Illinois, États-Unis) où se chevauchent plusieurs pistes sonores et visuelles (7 clavecins, 51 bandes sonores générées par ordinateur, diapositives et films abstraits). Bien que ses œuvres des années 1970, 1980 et 1990 reviennent à la partition conventionnelle, Cage y emploie fréquemment les techniques d’écriture développées dans les années 1940 et 1950.
 

http://johncage.org/

[Documents disponibles à la Fondation Langlois sur John Cage...] 

Variations VII

Direction artistique / Conception : John Cage

Durée : 40'

9 Evenings : Theatre & Engineering

9 Evenings : Theatre & Engineering est une série de dix films consacrés aux dix performances légendaires qui ont eu lieu à New York en octobre 1966. Point d’orgue du foisonnement créatif new-yorkais des années 1950-60, les 9 Evenings représentent un moment charnière du rapprochement entre art et technologie, et de l’invention de nouvelles formes de composition et de performance.

C’est à la complicité de Billy Klüver, ingénieur au centre de recherches Bell Laboratories, avec le plasticien Robert Rauschenberg que l’on doit 9 Evenings : Theatre & Engineering, une série de performances qui furent présentées à l’Arsenal du 69e Régiment de New York, entre le 13 et le 23 octobre 1966. L’enjeu était simple : mettre à la disposition d’une dizaine d’artistes le savoir-faire d’une équipe d’ingénieurs des laboratoires Bell, pour leur permettre de réaliser, grâce à des moyens technologiques de pointe, “la performance de leur rêve”. Projecteurs, caméras vidéo, transistors, amplificateurs, électrodes et oscilloscopes firent ainsi leur entrée sur scène au service de visions ambitieuses, futuristes, iconoclastes ou poétiques – qui toutes furent filmées en noir et blanc et en couleur. Lorsque ces films furent retrouvés en 1995, Billy Klüver décida en collaboration avec Julie Martin et la réalisatrice Barbro Schultz Lundestam, de produire une série de documentaires restituant ce qui s’était produit sur scène et lors de la préparation des performances. Ainsi le matériau original fut-il complété par des entretiens avec les protagonistes de chaque performance (artistes et ingénieurs), des images d’archives et quelques invités prestigieux. Les 9 Evenings allaient pouvoir retrouver leur place dans l’histoire de l’art.

Or, les artistes le rappellent eux-mêmes, ces performances s’inscrivent de manière déterminée dans l’évolution de l’art aux Etats-Unis après la Seconde Guerre mondiale. Sans remonter jusqu’à Jackson Pollock, évoqué par Lucinda Childs, qui, en plaçant le geste au cœur de la peinture ouvrit la voie à un art de l’action, le parrainage de Merce Cunningham, John Cage et Robert Rauschenberg est de première importance dans le développement de ce qui sera présenté sur scène. C’est au Black Mountain College, où enseignait Cage, qu’eut lieu en 1952 le premier happening auquel participèrent Rauschenberg et Cunningham, ainsi que David Tudor, que l’on retrouve dans les 9 Evenings.

Une des spécificités de cet événement était de rassembler librement différentes disciplines artistiques sur une même scène, en renonçant au caractère narratif de la représentation théâtrale. La plupart des artistes invités à participer au 9 Evenings sont issus du Judson Dance Theater, un collectif réuni dans l’église Judson à New York et constitué de disciples de Merce Cunningham. Les préceptes de John Cage leur étaient enseignés par Robert et Judith Dunn, et Rauschenberg, directeur artistique de la compagnie de Cunningham, les assistait dans l’organisation de leurs spectacles. Rauschenberg s’initia lui-même à la danse dans les années 1960 et réalisa certaines performances avec Carolyn Brown, Steve Paxton, Deborah et Alex Hay.

Transversalité, mélange de danseurs et de non-danseurs, interaction avec des objets, abandon de la technicité de la danse au profit de l’observation des gestes du quotidien, sont autant de caractéristiques du Judson Dance Theater que l’on retrouve dans les 9 Evenings. Trouver un nouveau rapport entre l’art et la vie, telle était l’injonction de Cage et Rauschenberg. Sur l’immense plateau de l’Arsenal, la technologie mise au service des artistes va permettre d’intégrer toutes sortes de sons et d’images venus de l’extérieur et la danse va s’effacer pour laisser place à un nouveau genre de pantomime appelé performance.

La technologie des ingénieurs de Bell est elle-même un de ces éléments du monde extérieur. Les artistes choisissent de la mettre en scène ou de l’escamoter au profit de compositions tirées de leur imagination. Chez les musiciens, Cage et Tudor, c’est une débauche de câbles, chez Alex et Deborah Hay, une atmosphère expérimentale proche de la science-fiction, chez Lucinda Childs, un dispositif empreint de modernisme. Rauschenberg et Robert Whitman proposent des formes plus directement empruntées à notre environnement quotidien : l’un change le plateau en terrain de tennis, l’autre y fait pénétrer des automobiles. Dans ces performances, comme dans celle d’Öyvind Fahlström, qui foisonne de “deus ex machina”, la technologie conserve son rôle ancestral de machine de scène.

Si l’amplification du son et la projection sur écran constituent une nouveauté, les tableaux dressés par ces artistes appartiennent encore à l’univers du théâtre. Théâtrale également, la séparation entre la scène et le public qui n’est abolie qu’une seule fois par Steve Paxton, avec ses structures gonflables dans lesquelles les spectateurs sont amenés à se promener. Ce qui nous écarte du théâtre toutefois, c’est l’absence de texte ou de parole (à l’exception d’Öyvind Fahlström). La performance n’est pas ordonnée à un récit, elle invente ses propres unités de temps et d’action. D’où la tension dont témoignent certains artistes qui ignoraient parfois la durée de leur spectacle ou doutent encore de sa cohérence. La performance est un art du risque qui se joue dans l’instant.

Enfin, grâce à la technologie, on voit émerger tout un nouveau monde d’images. Cette vie qu’il appartient à l’artiste de réconcilier avec l’art est faite non seulement de gestes, mais aussi d’images de télévision et de cinéma, d’images documentaires ou de publicité, d’images-fantasmes ou d’images-messages. C’est flagrant chez Yvonne Rainer et Robert Whitman. Le monde qui pénètre sur scène est celui de la société de consommation et de ses objets fétiches : radios, télécommandes, ventilateurs, aspirateurs, machines à écrire. Le règne de l’automatisme et de l’interrupteur. Que l’entreprise qui met à disposition ses ingénieurs soit une compagnie de téléphone laisse songeur quant à l’avenir de ces techniques. Mais à la différence du pop art, qui s’empare au même moment des emblèmes et des rites de la société américaine, et même si la plupart des performances ont une dimension ludique, on discerne, en filigrane des 9 Evenings, comme un soupçon critique à l’égard de ce nouvel environnement. Cela éclate chez Öyvind Fahlström, qui livre un pamphlet contre l’idéal conformiste des Etats-Unis. Mais il n’est pas tout à fait isolé. La foule spectrale filmée à la caméra infrarouge chez Rauschenberg, le visage bardé d’électrodes de l’artiste cobaye Alex Hay, le monde synthétique de Steve Paxton laissent filtrer une certaine inquiétude. Imitant la condition de l’ouvrier ou du consommateur, le corps du danseur renonce à toute agilité pour n’être plus qu’un opérateur dans un dispositif, voire une simple chose déplacée sur un socle comme chez Deborah Hay.

Durant ces dix jours, les ingénieurs et les artistes des 9 Evenings auront transformé l’immense voûte de l’Arsenal en caverne de Platon, où le public sera venu admirer les reflets dispersés du monde moderne. Si la tristesse de l’ère industrielle vient de ce que la technique nous dépossède de la réalité, à travers ces dix propositions, la performance s’est affirmée comme un genre libre et onirique, capable de puiser dans la rumeur dudit monde – fût-elle électrique – un matériau neuf à transfigurer.


Source : Sylvain Maestraggi (Texte publié dans Images de la culture n°29, février 2015)

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