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L'improvisation

05:19

L'Improvisation

Chopinot, Régine (France)

03:53

Kartons

Merzouki, Mourad (France)

06:14

Marche et improvisation

Wolliaston, Elsa (France)

03:00

Questa pazzia e fantastica - Paysages fabriens

Fabre, Jan (Belgium)

06:40

Dominique Mercy danse Pina Bausch

Obadia, Régis (Germany)

05:15

Poetry Event

Poetry Event (France)

06:03

Improvisation

Charmatz, Boris (France)

08:46

My lunch with Anna

Halprin, Anna (United States)

04:04

Myriam Gourfink, un Temps autre

Gourfink, Myriam (France)

12:00

De la composition en temps réel - João Fiadeiro

Fiadeiro, João (France)

CN D - Centre national de la danse 2004 - Réalisateur-rice : Centre national de la danse, Réalisation

Chorégraphe(s) : Fiadeiro, João (Portugal)

Producteur vidéo : Centre national de la danse

Vidéo intégrale disponible au CND de Pantin

Découvrir l'œuvre dans la vidéothèque

L'improvisation

Maison de la danse 2018 - Réalisateur-rice : Plasson, Fabien

Chorégraphe(s) : Chopinot, Régine (France) Merzouki, Mourad (France) Wolliaston, Elsa (France) Fabre, Jan (Belgium) Bausch, Pina (Germany) Charmatz, Boris (France) Buffard, Alain (France) Gourfink, Myriam (France) Fiadeiro, João (Portugal)

Auteur : Philippe Guisgand

en fr

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On désigne fréquemment par le terme "improvisation" la création ou l’exécution d’une tâche sur le registre spontané, dans l’instant et de manière imprévue. Dans de nombreux domaines professionnels, son usage est plutôt péjoratif et désigne l’absence de préparation ou d’organisation. Il en va autrement dans le secteur des pratiques artistiques. 

En musique, on pense spontanément au jazz mais il ne faut pas oublier que Bach, au XVIII° siècle, improvisait longuement pour Frédéric II. Plus près de nous, dans les années 60 et au théâtre, le Living Theatre de Julian Beck et Judith Malina travaille moins sur le texte littéraire que sur l'improvisation collective. Plus récemment encore, les danses hip hop font appel à l’improvisation, notamment dans les battles ; mais on trouve aussi cette modalité de pratique dans d’anciennes danses sociales, de la mazurka au tango, ou au sein des formes de danse traditionnelles comme le flamenco. 

Qu’elle soit musicale, théâtrale ou dansée, qu’elle soit individuelle ou collective, l’improvisation nécessite souvent un important travail de préparation. Elle permet de juxtaposer le présent, l’ensemble de nos expériences et des surprises que peut laisser advenir un geste artistique imprévu. Dans le domaine chorégraphique, elle est devenue une pratique de formation et d’entraînement des danseurs contemporains et une manière de faire advenir de nouveaux matériaux pour la fabrication d’une œuvre chorégraphique. Elle s’érige aussi quelquefois en alternative à cette conception de la création en studio en se nommant « processus en scène » ou encore « composition instantanée ».

Quand on questionne la chorégraphe française Régine Chopinot [L’improvisation, entretien 2012] à propos de l’improvisation, elle répond, avec le franc parler dont elle est coutumière, qu’aujourd’hui, l’improvisation est devenue un mot valise, une sorte de fourre-tout insupportable. Mais elle donne peu de pistes sur la manière d’y voir plus clair. Comment remettre un peu d’ordre dans ce joyeux pêle-mêle ?On désigne fréquemment par le terme "improvisation" la création ou l’exécution d’une tâche sur le registre spontané, dans l’instant et de manière imprévue. Dans de nombreux domaines professionnels, son usage est plutôt péjoratif et désigne l’absence de préparation ou d’organisation. Il en va autrement dans le secteur des pratiques artistiques.  Qu’elle soit musicale, théâtrale ou dansée, qu’elle soit individuelle ou collective, l’improvisation nécessite souvent un important travail de préparation. Dans le domaine chorégraphique, elle est devenue une pratique de formation et d’entraînement des danseurs contemporains et une manière de faire advenir de nouveaux matériaux pour la fabrication d’une œuvre chorégraphique.  

Description

  

1. L’improvisation comme plaisir du présent et de l’inattendu

L'improvisation en danse peut être vécue comme une pratique autonome, instinctive, une forme en soi. Elle est alors moins liée à l’envie de construire un spectacle que de canaliser la vitalité du mouvement qui ne demande qu’à s’exprimer, lorsqu’un environnement sonore ou festif par exemple, nous y incite.

On retrouve ainsi l’improvisation aux origines de la danse jazz, quand les maîtres cotonniers organisaient des concours entre esclaves, d’où ont émergé les formes solo-groupe et appel-réponse entre musiciens et danseurs. Dans ces moments où musique et danse sont inséparables, les danses de concours ou de défi se développent avec la complicité active des spectateurs. Privés des circonstances originelles de leurs danses, les esclaves adaptent musique et danse au système colonial ; l'invention a pour seules limites leurs capacités ; c’est pourquoi de nombreuses danses de l’époque sont constituées d’un pas de base enrichi d’une gestuelle improvisée, parfois empruntée au travail. La parenté est flagrante avec l’univers hip hop, né à la fin des années 70 dans le Bronx, un quartier délaissé de New York : comme le jazz, les premières formes de danse hip hop (break, smurf, popping, locking…) se déroulent au centre d’un cercle dans une atmosphère de défi ; à l’image de leur aînés en jazz, les danseurs hip hop sont autodidactes, ils accordent une place centrale à l’improvisation et ont une relation symbiotique à la musique dont ils tirent leurs impulsions motrices. 

Aujourd’hui, en devenant la technique pédagogique la plus répandue, le jazz a perdu en grande partie cette dimension improvisée. En revanche, le hip hop, en Europe surtout, s’est tourné vers la scène tout en préservant l’improvisation à travers les battles cet espace de régénération, de propositions inédites et de banc d’essai du mouvement [Kartons, 2010]. En techniques improvisées qu’elles ont été à l’origine, les danses hip hop tentent de se maintenir comme des arts de l’expression et du feeling. Ainsi, même si la plupart de ses acteurs ont quitté la rue pour se former dans des lieux institutionnalisés, même si la danse hip hop est devenue une danse de studio, de répétition et de production, les danseurs reviennent souvent au cercle, par attachement ou par hommage à l’improvisation qui participe de l’essence de cette esthétique.

2. L’improvisation comme pratique autonome non spectaculaire

Mais l’improvisation est également une discipline de formation et d’entraînement du danseur, sans vocation démonstrative. Elle se développe sur la côte Ouest américaine avec Anna Halprin et à New York, dans les cours de Robert Dunn au studio de Merce Cunningham. Elle va particulièrement se développer sous l’impulsion d’un ex-danseur de ce dernier, Steve Paxton, qui invente dans les années 70 une nouvelle forme de danse nommé Contact Improvisation

De son travail, Paxton n'hésite pas à dire que « c'est une forme de perception, plutôt qu'une forme d'art […] il s’agit d’aller ailleurs, ne pas se laisser mouler par ses empreintes ». A l’origine, le Contact se fixe pour but de communiquer par le toucher. En effet, dans les cours de danse traditionnels, on maintient une sphère d’isolement pour éviter de déranger les autres élèves, on se déplace l’un après l’autre pour permettre à l’enseignant de corriger individuellement. À l’inverse, le Contact exige des pratiquants indépendants qui évoluent dans un environnement complexe dépourvu de structure. Il s’agit de travailler avec toute la surface du corps comme autant de connexions possibles avec le corps de l’autre. Cette subtilité développée dans le Contact n’est pas, dans la plupart des cas, reproductible et l’utiliser pour une chorégraphie n’en serait qu’une pâle copie. Cette technique est emblématique de la post modernité car elle cherche à libérer la danse de l’émotion au profit de ses aspects sensoriels.

On retrouve également l’improvisation comme méthode pédagogique où elle est l’occasion pour l’enseignant de rebondir sur les propositions des élèves, comme dans cette Master class conduite par Elsa Wolliaston sur le thème de la marche [Elsa Wolliaston : marche et improvisation

D’autres chorégraphes ont poussé ce travail pédagogique plus loin en utilisant les moyens techniques de leur temps. Ainsi, en 1994, le chorégraphe Willian Forsythe a conçu un CD-Rom nommé Improvisation Technologies, servant d’outil de préparation et d’entraînement à ses danseurs. Son principe consiste en un commentaire des méthodes de travail de Forsythe par lui-même : il y détaille les principaux éléments qui composent sa technique et explique ses bases de fonctionnement du corps et sa manière de créer du mouvement ou de structurer autrement des propositions corporelles existantes. Ce document constitue un remarquable abécédaire de sa propre conception de l’acte chorégraphique et explique comment, à partir du début des années 2000, Forsythe s’éloigne du vocabulaire classique pour créer ses ballets à partir de processus d’improvisation complexes. 

3. L’improvisation comme ouverture à la création

L'improvisation est aussi conçue par certains chorégraphes comme un outil de composition. En cela elle reflète les processus de création contemporains qui associent les interprètes à l’élaboration du matériau artistique. La composition consiste alors à identifier, sélectionner, orienter des éléments aperçus dans l’improvisation comme on peut le voir au début ce documentaire sur [Jan Fabre : Questa pazzia e fantastica]. C’est pendant ce temps d’appropriation des formes que l’on peut dégager le sens. Le chorégraphe doit alors être un spectateur lucide de ce qui se passe. Ainsi Pina Bausch guidait-elle les recherches de ses danseurs avec des questions, des thèmes ou des mots-clés (Fragen, Themen, Stichwörter) qu’elle proposait au cours d'un très long travail préliminaire dont parle ici Dominique Mercy [Dominique Mercy danse Pina Bausch].

Cependant, certains promoteurs de l’improvisation n’entendent pas la confiner dans le secret des studios où s’élaborent les créations chorégraphiques ; ils en revendiquent l’intérêt spectaculaire et la montrent sur scène. En cela, ils sont les continuateurs des happenings des années 60 proposés par John Cage, Merce Cunningham et Robert Rauschenberg au Black Mountain College, performances dans lesquelles le hasard et l'improvisation avaient une place centrale. Ainsi Mark Tompkins, qui arrive en France en 1973 et qui travaille avec Elsa Wolliaston, Lisa Nelson et Steve Paxton, fonde avec ce dernier l’Atelier Contact à Paris. Il n’hésite pas à se lancer dans des spectacles et des démarches où l’improvisation est centrale devant une critique de presse et un public souvent perplexes. 

A la même période, de son côté, Carolyn Carlson propose aux danseurs de l’Opéra de s’ouvrir au-delà de la technique classique. Elle crée le Groupe de recherches théâtrales de l'Opéra de Paris, qui tente parfois de livrer en spectacle des séquences improvisées. Là encore la réception demeure dubitative ! Carlson n’abandonnera jamais cette forme alternative et elle continue de s’y livrer en compagnie d’amis musiciens (Ivry Gitlis, Michel Portal ou encore Miguel Angel Estrella…). Dans [Poetry Event, 2013], il ne s’agit plus seulement de réagir à la musique mais bien de créer les conditions d’une écoute mutuelle afin d’instaurer un dialogue avec les instruments, les autres (arts), la poésie et le lieu.

4. L’improvisation comme alternative à la re-présentation

Aujourd’hui, cette mise en jeu immédiate des corps s’ouvre sur un large paysage. Ce dernier peut prendre des colorations très ludiques, comme dans cette improvisation scénique de Boris Charmatz et Mederic Collignon [Improvisation, 2011] où le danseur et le musicien rebondissent sans cesse sur le mouvement, le son ou l’espace créé par l’autre. Dans ce registre, on peut également évoquer les matchs d’impro en danse contemporaine au Québec – sur le modèle du théâtre s’inspirant lui-même des rencontres de hockey sur glace. 

Mais l’improvisation symbolise encore la permanence d’une résistance, d’une façon de vivre la danse autrement, telle que la défend depuis plus d’un demi-siècle la danseuse californienne Anna Halprin. Le film d’Alain Buffard My lunch with Anna, [extrait 2] fait état de cette critique à l’égard d’une « danse marionnette » tournée vers le spectaculaire, qui tourne la démarche d’Halprin vers des pratiques quasi thérapeutiques. 

Avec des préoccupations à la fois critiques et esthétiques, on peut encore citer le travail de Myriam Gourfink [Un Temps autre, 2011] qui utilise des partitions affichées sur le sol laissant à chaque interprète des possibilités de choix, dans un temps élastique propre ; celui de Rosalind Crisp qui, en 2006, s’entraine dans Danse (1) à superposer des couches de consignes contradictoires pour faire naître un mouvement inouï ; et enfin, citons Joao Fiadeiro qui cherche à construire de la disponibilité et de la décision dans le temps même de la performance [De la composition en temps réel, 2004]. Ce qu’ont en commun ces trois chorégraphes (parmi d’autres), est la responsabilité laissée l'interprète. Ce dernier est préparé à une méthode au fil d'ateliers préparatoires s'étalant sur plusieurs mois. Il peut alors gérer l'action qu'il improvise, au sein d’une trame dramaturgique simple, préétablie et pourtant en évolution permanente. Dans cette posture artistique, danseurs, chorégraphe et spectateurs créent ensemble, et sans cesse, le sens de ce qui advient. Cette responsabilité partagée n’est pas la moindre implication de cette méthode de composition instantanée.

Approfondir

Ouvrages

BANES, Sally. Terpsichore en baskets. Post-modern dance, Paris ; Pantin : Chiron ; Centre national de la danse, 2002. 310 p.

BOISSIERE, Anne, KINTZLER, Catherine. Approche philosophique du geste dansé : de l’improvisation à la performance, Villeneuve d’Ascq : Presses Universitaires du Septentrion, 2006. 206 p. (Esthétique et sciences des arts).

FORSYTHE, William. Improvisation Technologies: A Tool for the Analytical Dance Eye [CD- Rom], Karlsruhe, Hatje Cantz, 1994.

POUILLAUDE. Frédéric. Le Désœuvrement chorégraphique. Etude sur la notion d’œuvre en danse, Paris : J. Vrin, 2009. 430 p.


Articles et revues

BENOIT-NADER, Agnès. « On the Edge / Créateurs de l'imprévu », in Nouvelles de Danse, n° 32-33, Bruxelles, Contredanse, automne-hiver 1997.

BELEC, Danielle. « Improvisation et chorégraphie. L’enseignement de Robert Ellis Dunn », in Nouvelles de danse, n°36-37, Bruxelles, Contredanse, 1998. p. 88-101.

« Contact improvisation », in Danser n° 297, Monaco, Editions Du Rocher, avril 2010, p. 58-59.

FIADEIRO, Joao, GUENIOT, David Alexandre. « Entre moi et moi-même, entre réalité et fiction, entre ici et là », in ROUSIER, Claire, La Danse en solo, Pantin, CND, 2002, 115-124 p.

KUYPERS, Patricia. « Contact improvisation », in Nouvelles de Danse, n° 38-39, Bruxelles, Contredanse, 1999.

PAXTON, Steve. « L'art des sens », in Contact Quaterly : Dance journal & improvisation journal, vol. XII, n°2, Spring/Summer, 1987.

SIX, Nicolas. « Battlemania », in Danser, n° 266, Monaco, Editions Du Rocher, juin 2007, p. 41.



Dictionnaire

LE MOAL, Philippe. « Improvisation », in LE MOAL, Philippe, Dictionnaire de la danse, Paris, Larousse, 1999. p. 586.


DVD

PAXTON, Steve, ANDRIEN, Baptiste, CORIN, Florence. Material for the Spine : a movement study [DVD]. Bruxelles, Contredanse, cop. 2008, 4h.


Mémoires et thèses

CHAUMETTE, Sarah. Elaboration d'une présence en scène dans l'atelier de Mark Tompkins : analyse d'une composition en temps réel dans un contexte pédagogique [en ligne]. Mémoire de Master en danse, sous la direction d’Isabelle Ginot, Université Paris 8 Saint-Denis, septembre 2012, 274 p. Disponible sur : http://www.danse.univ- paris8.fr/diplome.php?di_id=2

FOUILHOUX Biliana. L’improvisation chez William Forsythe : une approche singulière, thèse de doctorat en théâtre, Université Paris III, 2007.

Auteur

Philippe Guisgand est professeur des universités en danse à l’Université de Lille. Il est chercheur au CEAC et dirige le programme « Dialogues entre art et recherche ». Il est concepteur d’une voie d’analyse chorégraphique pour laquelle il a développé un parti pris kinésique original (« Réception du spectacle chorégraphique : d’une description fonctionnelle à l’analyse esthétique », Revue STAPS n° 74, automne 2006, 117-130). Il travaille également à mieux cerner les moyens par lesquels les spectateurs rendent compte de leur réception sensible ainsi qu’aux conséquences politiques des débats esthétiques (« Les ateliers du spectateur, fabriques du sensible », Quaderni n° 83, hiver 2013-2014, 59-71). Spécialiste de l’œuvre d’Anne Teresa de Keersmaeker (Les fils d’un entrelacs sans fin, Septentrion, 2007 ; Anne Teresa de Keersmaeker, L’Epos, 2009 et Accords intimes. Danse et musique chez De Keersmaeker, Septentrion 2017), il s’intéresse enfin aux dialogues des arts (« Demandes et adresses : danse et musique chez Anne Teresa De Keersmaeker » in Stephanie Schroedter (ed.), Zwischen Hören und Sehen, Würzburg, Koenigshausen & Neumann, 2012, 425-437) et à certains aspects de la performativité (« A propos de la notion d’état de corps » in Josette Féral (ed.), Pratiques performatives. Body Remix, Montréal / Rennes, Presses de l’Université du Québec / Presses universitaires de Rennes, 2012, 223-239).

Générique

Sélection des extraits
Philippe Guisgand
 

Textes

Philippe Guisgand
 

Production
  Maison de la Danse



Le Parcours « L'improvisation » a pu voir le jour grâce au soutien du Secrétariat général du Ministère de la Culture et de la Communication - Service de la Coordination des politiques Culturelles et de l'Innovation (SCPCI)  

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