La Mort du cygne - Michel Fokine / Les Ballets Russes
En 1907, Michel Fokine chorégraphie La Mort du cygne sur le 13e mouvement du Carnaval des animaux de Camille Saint-Saëns. Ce ballet, de quelques minutes, est écrit pour une interprète d’exception : Anna Pavlova. Elle incarne l’élégance et la peur de l’oiseau blessé qui ne cesse de vouloir s’envoler et qui retombe indéfiniment. Dans l’extrait présenté ici, Yvette Chauviré transmet son interprétation de cette danse à Dominique Khalfouni.
Le vocabulaire dansé est réduit. La répétition sert comme motif de composition avec les menés sur pointes et les ondulations des bras. Fokine laissa une grande liberté à Anna Pavlova qui développa l’interprétation du rôle. Les chutes vers le sol et les cassures du dos et de la nuque de La Pavlova sont absentes ici de l’interprétation d’Yvette Chauviré qui préfère les multiples inclinaisons et extensions du buste ainsi que quelques pliés profonds sur pointes pour incarner le sujet. Ainsi, la ballerine moderne est née !
Le Spectre de la rose - Michel Fokine / Les Ballets russes
Créé en 1911, Le Spectre de la Rose est inspiré d’un poème de Théophile Gauthier. En faveur d’un art expressif, Michel Fokine invente un langage corporel en lien avec chaque sujet traité. Ici, le thème est simple et romantique : de retour du bal, une jeune fille s’endort une rose à la main qui, dans son rêve, se personnifie. Mais le défi est de taille pour Fokine : trouver une gestuelle pour cet homme-fleur !
Dans cet extrait, version de Pierre Lacotte pour l’Opéra de Paris, Mathias Heymann en homme-fleur nous expose les caractéristiques gestuelles du rôle. Le caractère masculin est développé dans le bas du corps avec des éléments techniques époustouflants : grands sauts, travail de jambes et de batteries, tours interminables et grandes prises d’espace. L’évanescence de la rose est incarnée dans le buste avec un haut du corps léger, propice à de multiples ondulations délicates des bras. Le spectre naît de cette alchimie chorégraphique qu’un jeune danseur incarnera alors parfaitement : Vaslav Nijinsky !
L’Après-midi d’un faune - Vaslav Nijinsky / Les Ballets russes
En 1912, c’est au danseur Vaslav Nijinsky et au décorateur Léon Bakst que Diaghilev confie une nouvelle création à partir d’un poème de Mallarmé et sur une composition de Debussy. A la manière de Fokine, Nijinsky fait des recherches pour trouver une gestuelle répondant à ce thème antique et mythologique. Il s’inspire notamment de ses visites au Louvre et de l’étude des attitudes des personnages peints sur les vases de l’Antiquité grecque.
Ainsi, il invente une danse où les corps sont en torsion, position non naturelle et très éloignée de l’alignement de la danse classique, ce que nous lisons très clairement dans les corps de Nicolas le Riche et d’Emilie Cosette, incarnant le faune et la Grande nymphe dans cette reprise de l’Opéra de Paris. De plus, il chorégraphie en couloirs, de jardin à cour, mettant en scène un bas-relief vivant. Point de grand saut, mais des marches pieds nus. Pas de lien véritable entre rythme musical et danse : Nijinsky s’appuie sur la ligne mélodique comme pour déployer un paysage antique intemporel…
Le public est déçu et surtout choqué devant la laideur, l’animalité et l’érotisme du faune. Le « scandale Nijinsky » naît!
Le Sacre du Printemps - Vaslav Nijinsky / Les Ballets russes
1913 : c’est un rite païen qui est mis en scène. Celui d’une tribu primitive russe qui sacrifie une vierge au dieu de la nature dans le but d’assurer la renaissance du printemps. Musique et danse n’ont qu’un objectif : exposer le caractère primitif de l’humanité et la puissance de la Terre !
Millicent Hodson, dans ce remontage de 2009, d’après Nijinsky et pour les ballets de Monte Carlo, se soucie de rendre compte des choix de Nijinsky pour répondre au thème : pieds en dedans, ancrage dans le sol, raideur des membres, dos courbé, sternum penché vers le sol…
Dernière danse. Celle de l’élue. Celle de la jeune fille sacrifiée, enfermée dans le cercle rituel de la communauté, est sans concession. Scandale dans le public qui ne comprend ni ce qu’il voit, ni ce qu’il entend et scandale chez les danseurs qui y voient une négation de leur savoir-faire !
Parade - Léonide Massine/ Les Ballets russes
Remonté pour Europa danse en 2008, Parade est l’œuvre de 4 génies de leur temps : Jean Cocteau, Léonide Massine, Pablo Picasso et Erik Satie ! Créé durant la Première Guerre mondiale, ce ballet répond au désir de Diaghilev de changer d’univers esthétique. Jean Cocteau lui propose un univers réaliste : celui d’un théâtre forain avec acrobates, prestidigitateur chinois, petite fille américaine, managers et même un cheval ! Massine développe une gestuelle réaliste dans la lignée des propositions de Picasso. Satie n’est pas en reste et utilise pour la création musicale un certain nombre de bruits de roues de loterie, de claquettes, de machines à écrire ou encore de crécelles et autres coups de révolver. Tout apparaît alors quasi surréaliste et chaque danseur est libéré ou contraint, selon son costume, pour ses propres mouvements. Les managers n’ont que peu de possibilités gestuelles… Le cheval s’organise à deux danseurs… Réalisme côtoie esprit cubiste !
Relâche - Jean Börlin / Les Ballets suédois
2014 : 90 ans après sa création, Petter Jacobsson et Thomas Caley remontent Relâche pour le Ballet de Lorraine remettant ainsi à l’honneur le travail des Ballets suédois et de leur chorégraphe Jean Börlin. Présenté comme un ballet instantanéiste en 2 actes et 1 entracte cinématographique, il est avant tout l’œuvre du plasticien Francis Picabia. Les décors des deux parties jouent avec les mouvements de lumières.
En 1924, pour être sûrs que les spectateurs restent assis durant l'entracte, est diffusé le film Entr'acte de René Clair. Un puzzle de scènes ubuesques : Man Ray et Marcel Duchamp jouant aux échecs, des surimpressions d’images, un enterrement, une danseuse filmée par le dessous, une femme à barbe travestie en Satie…
Pour la danse, le chorégraphe Jean Börlin joue sur différents registres de mouvements : gestes du quotidien, motifs dansés des cabarets, danses de salon et danse classique. Tout paraît décousu, saugrenu, proche d’un esprit dada quoi !…