Hôsôtan - Tatsumi Hijikata
Pour cette performance, Hijikata s’est astreint à un jeûne drastique au point de n’avoir plus que la peau sur les os, une peau recouverte de lambeaux de papier mâché. Recroquevillé sur lui-même, le danseur nous donne à voir un corps primitif qui puise ses énergies au creux de son ventre et, lentement, émerge du néant pour accéder à la conscience de soi.
Ce corps-là a des affinités avec la littérature de Mishima qui les a mis en mots dans ses écrits. Hijikata les met en corps.
Le Butô, comme la nation au sein de laquelle il voit le jour, est à la croisée des chemins.
Hommage à La Argentina - Kazuo Ôno
Seconde personnalité fondatrice du Butô, Kazuo Ôno fait bouger les lignes un peu plus encore, avec son célèbre solo Hommage à La Argentina, chorégraphié par Hijikata, en établissant un lien de filiation directe entre esthétique occidentale et esthétique japonaise.
La force de cette chorégraphie tient à une idée simple et apparemment contradictoire : en s'emparant d'une esthétique qui n'est a priori par la leur, le danseur et le chorégraphe cherchent à regarder à l'intérieur, "à faire naître quelque chose de nouveau".
Hijikata avait donné une consigne très simple à Ôno : "que tes bras ne t'appartiennent plus". Et c'est le cas dans le troisième tableau, Mariage du Ciel et de la Terre, où le danseur lève lentement les mains dans une offrande adressée à l'univers.
Iki, Edge – Ko Murobushi
Dans la danse de Murobushi, comme dans celle de son mentor Hijikata, le bouillonnement pulsionnel de la vie et l’échéance fatale de la mort sont à l'œuvre, comme si tout ce que le corps sait, ou savait, devait disparaître. C'est de "non savoir" dont il est question ici car il n'y a pas dans le Butô un langage utilisable, contrairement aux danses classiques ou contemporaines occidentales. Le corps, pour Murobushi comme pour ses prédécesseurs, met en jeu des questions métaphysiques et tout part de lui, de sa présence, tout simplement.
Waiting - Carlotta Ikeda
Carlotta Ikeda et Ko Murobushi fondent en 1974 la compagnie Ariadone qui met en scène des femmes exclusivement.
Dans Waiting , solo de 1996, le corps de Carlotta Ikeda apparemment vide, finit par être habité tout entier : vêtue d'une robe de mariée, elle cherche de ses mains, de ses doigts, ce plaisir qui vibre en elle, l'onde qui anime tout son corps jusqu'à ce point de rencontre avec l'espace. Naissance et mort, flux et reflux sont bien les moteurs essentiels du Butô qui, comme le souligne Carlotta Ikeda, tente de donner à voir le dedans, cet endroit précis où, à l'intérieur, ça tremble.
Hibiki - SanKai Juku
Ushio Amagatsu et sa compagnie SanKai Juku questionnent avant tout l'équilibre entre l'intime et l'universel, l'histoire et la cosmologie. Sur scène, ses danseurs et lui-même semblent bien souvent émerger d'un monde invisible pour venir dialoguer avec la gravité.
Avec Hibiki, c'est la relation entre le sable et l'eau qu'Amagatsu explore cette fois. À la fluidité des éléments répond la fluidité des corps qui, bien que faits d'os et de muscles, ne semblent pas solides. La pulsation vivante et primitive qui habite les danseurs, partagés entre tension et relâchement, évoque le flux et le reflux incessant de la vague.