Troisième symphonie de Gustav Mahler - John Neumeier
1975 : C’est par cette création que John Neumeier rencontre la nouvelle troupe dont il vient de prendre la direction : le Ballet de Hambourg. Dédié à son mentor européen John Cranko, ce ballet évoque six étapes initiatiques pour l’Homme qui cherche à découvrir les enjeux de son existence. Dans cet extrait intitulé « Hier », l’homme est en proie aux mythes de la masculinité, au corps disciplinaire et militaire.
Travaillant la torsion, de nouveaux appuis corporels et équilibres, Neumeier compose à partir de figures géométriques fortes, sur un plateau vide de toute figuration. Pas de lieu, pas de temps historique pour cet hymne existentiel.
Œuvre entrée au répertoire du Ballet de l’Opéra de Paris, c’est Karl Paquette qui assure ici le rôle principal. Du prince à l’homme, de la narration à la thématique : la lecture devient plurielle, plus psychologique et intime.
Wild thing - Karole Armitage
Musique : Jimi Hendrix. Costumes : David Salle. Décors : Jeff Koons.
Signe que les temps changent… Les années 80 voient naître des syncrétismes quasi-contre nature pour ceux qui seraient conservateurs ! Karole Armitage a dansé le répertoire de Balanchine mais aussi celui de Cunningham. Dans son propre travail, elle troque les pointes pour des souliers, le chignon pour une coupe courte peroxydée, le blanc et les teintes pastel pour le noir.
Surnommée la « ballerine punk », son style et sa présence scénique électrisent le classique : elle joue avec la vitesse, la fracture des lignes, les oppositions asymétriques et les impacts. Ses déhanchés, tout comme ses mouvements de tête, sont ostentatoires de droite à gauche mais aussi d’avant en arrière. Chez elle, art « savant », postures et attitude « punk rock » ne font qu’un !
No More play - Jiří Kylián
La musique atonale d’Anton Webern et une petite sculpture d'Alberto Giacometti ont inspiré ce ballet au chorégraphe tchèque Jiří Kylián pour le Nederlands Dans Theater : un simple plateau noir où se découpent des espaces de lumière comme autant de pièces d’un puzzle à assembler.
Dans l’extrait proposé, le pas de deux au 1er plan oscille entre fluidité et arrêts sur image, accents et continuité dans un vocabulaire aux appuis singuliers dans les contacts et portés mettant en avant la pluralité des lignes dans l’espace et une précision graphique extrême.
La temporalité du mouvement joue avec des accélérations, des suspensions et des silences. Les partenaires se répondent dans des jeux de contrepoids, de portés et d’équilibre comme pour inventer un système linguistique du corps en mouvement en dialogue avec la musique : une forme poétique renouvelée.
Ballet mécanique - Thierry Malandain
La gestuelle est vive et arrêtée. Les lignes des jambes et des bras sont tendues. Les corps sont toniques et musculaires. Sur scène, un espace de combat est délimité par des barres de danse, espace où se jouent les tensions entre nature et culture, entre normalisation et expression personnelle, entre aliénation et liberté. Musique composée dans les années 1920, Ballet mécanique devait à l’origine être la bande son d’un film expérimental dadaïste, celui de Malandain fait ainsi référence aux inventions, aux machines, aux corps taylorisés du début du siècle dernier.
Le vocabulaire ne différencie pas les sexes pour des corps en sous-vêtements. Thierry Malandain joue avec les grands paramètres de composition : unisson, question/réponse, miroir, opposition, canon sont autant de moyens offerts à cette écriture scandée et percussive éloignée de la nature lyrique souvent associée à la danse classique.
Roméo et Juliette - Jean-Christophe Maillot
Jean-Christophe Maillot devient le directeur-chorégraphe des Ballets de Monte-Carlo en 1993. Le répertoire de la compagnie est déjà constitué d’œuvres des Ballets Russes, de George Balanchine et de chorégraphes invités. En 1996, il y chorégraphie sa propre relecture de Roméo et Juliette : un drame intemporel, qui se joue en trois actes, construit tel un scénario cinématographique.
Dans cet extrait, ce sont Bernice Coppieters et Chris Roelandt qui incarnent Juliette et Roméo. Interprètes ayant participé à la création, ils subliment pleinement l’enjeu de cette relecture : incarner un langage amoureux du corps.
Entre jeu de séduction, fougue et timidité, passions et inquiétudes : la danse néoclassique révèle le panel des émotions adolescentes, de la découverte de soi à celle de l’autre…
One flat thing reproduced - William Forsythe
L’intérêt de William Forsythe pour son art a toujours été d’en questionner les mécaniques insoupçonnées et d’en éprouver la complexité. Celui qui est rapidement surnommé « le plus européen des chorégraphes américains » travaille sur les thèmes et contrepoints, l’utilisation de l’accumulation des éléments et de leurs déclinaisons, l’isométrie, la coordination de mouvements repérables dans l’espace, le rythme individuel et la synchronicité.
Cette vidéodanse réalisée par Thierry de Mey permet de percevoir la densité visuelle et la précision graphique qui se dégagent de cette écriture. Dans la corporéité des danseurs, le plus évident est cet autre rapport au poids présent. Cette nouvelle relation gravitaire, éloignée de la tradition néoclassique engage différemment le corps et la circulation du mouvement en son sein.
Why can’t we get along - Benjamin Millepied
Casting hétéroclite pour ce court métrage : les acteurs Kate Mara et Ansel Elgortn, la youtubeuse de la scène hip hop Kandi Reign, des Hiplet Ballerinas, des membres de Bulletrun Parkour et des danseurs de l'American Ballet Theatre. Connu du large public pour sa participation à Black Swan, Benjamin Millepied appartient à cette génération née à la fin du 20e siècle pour qui la question de la filiation ou de la perte d’identité néoclassique ne se pose plus. Danses savante et populaire, cultures classique et hip hop partagent le même espace filmique.
L’environnement spatial, le choix musical, la dramaturgie filmique, la cohabitation physique et les modes de perception du mouvement déplacent l’essence néoclassique vers d’autres horizons. Certains affirmeront que cela n’en est plus, d’autres au contraire le percevront renouvelé au contact de la diversité.