Rhizikon – Chloé Moglia
En science, un état désigne une configuration stable d’éléments. À propos du corps dansant, parler d’état supposerait donc qu’au cœur d’une dynamique de changement incessant, quelque chose soit stable. Ce « quelque chose » désignerait ce qui déclenche l’envie d’entrer en dialogue avec l’environnement – comme cherche à le faire la trapéziste Chloé Moglia dans son solo Rhizikon en convoquant les souvenirs de son travail à cet agrès.
Waiting – Carlotta Ikeda
Le résultat des heures passées en studio, une sorte de « noyau d’expérience » pour les danseurs, pourrait être assimilé à cette notion d’état.
Le butô, danse exemplaire de ce point de vue, souligne l’antériorité de l’imaginaire et des sensations sur la fabrication du geste. Le danseur cherche à retrouver la réminiscence d’expériences marquantes, issues de la danse ou de la vie en général.
Wilfride Piollet
La danseuse étoile Wilfride Piollet, en évoquant les différentes voies de l’expression de la danse classique à la danse moderne, suggère dans cet extrait que cette notion d’état d’intériorité du danseur n’est pas propre aux danses modernes et contemporaines.
Mergulho – Ana Rita Barata
Par ailleurs, les danseurs savent l’influence de l’espace sur le geste : danser en plein air, modifier l’espace de danse par la lumière, ou comme ici changer l’espace de représentation d’une pièce, sont autant de variables pouvant influencer la réalisation du mouvement.
En résumé, l’état de corps d’un danseur renverrait à ce mélange d’intentions, de postures et d’émotions – le noyau d’expérience – qui émaille le vécu de l’interprète et se déploierait dans l’instant et l’espace, mais aussi dans la relation à autrui et aux autres conditions particulières à chaque représentation.
Odile Duboc, une conversation chorégraphique
Danser et regarder la danse sont deux activités distinctes mais qui relèvent en certains points d’une même envie de mouvement. Nous désignerons donc par état de corps l’ensemble des tensions et des intentions qui s’accumulent intérieurement et vibrent extérieurement (état de corps dansant).
Ces réflexions montrent que le terme d’« état de corps » recouvre partiellement d’autres notions, toutes aussi imprécises, que l’on trouve dans le champ des arts vivants, telle que « la présence scénique » ou l’interprétation. Utilisés par commodité de langage, ces mots valises, pour peu qu’on s’y intéresse de plus près, révèlent une richesse permettant d’éclairer et préciser les pratiques autour du mouvement.
Pororoca – Lia Rodriguez
Dans l’extrait précédent, ou Odile Duboc explique se focaliser sur l’expérience sensorielles des danseurs au contact de matériaux pour nourrir sa danse de sensations, le spectateur que nous sommes, reste confronté à la difficulté de dire ce qu’il perçoit réellement.
Avec cet extrait, l’impression de mouvement permanent perçu par le spectateur est assez proche de l’intention de Lia Rodriguez, la chorégraphe, qui cherche à restituer le mouvement des bancs de poisson. Comme si le degré de porosité entre le corps du danseur et la perception du spectateur était le résultat de la confrontation de leurs deux corporéités.