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L'artiste engagé

Maison de la danse 2018 - Réalisateur-rice : Plasson, Fabien

en fr
03:10

Un peu de tendresse bordel de merde !

St-Pierre, Dave (Canada)

Maison de la danse 2008 - Réalisateur-rice : Picq, Charles

Chorégraphe(s) : St-Pierre, Dave (Canada)

Producteur vidéo : Maison de la Danse

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01:44

Ha! Ha!

Marin, Maguy (France)

Maison de la danse 2006

Chorégraphe(s) : Marin, Maguy (France)

Producteur vidéo : Maison de la Danse

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04:42

La mirada del avestruz

Fernandez, Tino (Colombia)

Biennale de la danse 2002 - Réalisateur-rice : Picq, Charles

Chorégraphe(s) : Fernandez, Tino (Spain)

Producteur vidéo : Maison de la Danse;Biennale de la Danse

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02:54

Waxtaan

Acogny, Germaine (Senegal)

Maison de la danse 2007 - Réalisateur-rice : Picq, Charles

Chorégraphe(s) : Acogny, Germaine (Senegal)

Producteur vidéo : Maison de la Danse

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02:23

Daddy, I've seen this piece six times before and I still don't know why they're hurting eachother

Orlin, Robyn (South Africa)

Maison de la danse 1999 - Réalisateur-rice : Rebois, Marie-Hélène

Chorégraphe(s) : Orlin, Robyn (South Africa)

Producteur vidéo : Les films Pénélope

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02:20

Tempus Fugit

Cherkaoui, Sidi Larbi (Belgium)

Maison de la danse 2005 - Réalisateur-rice : Picq, Charles

Chorégraphe(s) : Cherkaoui, Sidi Larbi (Belgium)

Producteur vidéo : Maison de la Danse

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02:58

Still/Here

Jones, Bill T. (Still/Here)

Biennale de la danse 1994

Chorégraphe(s) : Jones, Bill T. (United States)

Producteur vidéo : Maison de la Danse;Biennale de la Danse

Vidéo intégrale disponible à la Maison de la danse de Lyon

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03:00

Incarnat

Rodrigues, Lia (Brazil)

Maison de la danse 2005

Chorégraphe(s) : Rodrigues, Lia (Brazil)

Producteur vidéo : Maison de la Danse

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L'artiste engagé

Maison de la danse 2018 - Réalisateur-rice : Plasson, Fabien

Auteur : Anne Décoret-Ahiha

en fr

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«  Je veux dire les problèmes de notre siècle ! ». C'est par cette formule que l'Américaine Martha Graham, figure majeure de la danse moderne américaine, énonça l'intention de son travail chorégraphique. Mettant en scène et en mouvement le corps, la danse en est venue à dire le monde et ses tourments, à dénoncer la violence et les travers de la vie sociale, à révéler les affres de l'existence humaine. Telle est l'ambition de ces chorégraphes engagés qui, le temps d'une création ou dans une perspective de plus longue haleine, font le choix d'un art politique et citoyen.

 Voici huit d'entre eux. Ils sont issus des continents américain, européen et africain. Leurs pièces livrent un regard parfois cru, souvent sans concession, sur notre époque, notre histoire, notre humanité. Leurs modes expressifs renvoient, à l'occasion, à d'autres grandes pièces de la danse moderne, notamment celles de Pina Bausch. Au delà du message, la force de leur propos tient à l'engagement physique de leur interprètes, voués entièrement à leur danse, tendus vers l'absolu du geste. Quand il s'agit de prendre position, la danse ne connaît pas la demi-mesure !

Description

  

1. Trouble à l'ordre du public


 Un peu de tendresse bordel de merde /Ha ! Ha !

 Un peu de tendresse bordel de merde semble implorer cette jeune femme, frappée par son désir inassouvi, face à l'homme, insensible, qui dédaigne son besoin d'étreinte. C'est aussi le titre du spectacle de Dave Saint Pierre, enfant terrible de la danse québécoise, dans lequel il met à nu, au propre comme au figuré, les comportements amoureux et les exigences affectives. Pour ce faire, il n'hésite par à outrepasser les conventions établies. Au risque d'être censuré ou poursuivi pour atteinte à la pudeur. En atteste la séquence inaugurale. A peine assis, le public voit débarouler vers lui, sur lui, un bataillon de danseurs, revêtus en tout et pour tout d'une perruque blonde. Malmener le spectateur, le déranger de son assise confortable et susciter sa participation, c'est ce à quoi joue avec arrogance la maîtresse de cérémonie, par ses commentaires aux traductions cocasses.

 Drôle ? On n'en dirait pas tant de ces plaisanteries ou de ces bons mots fumeux qu'enchaînent en s'esclaffant les sept interprètes de  Ha !Ha !. Car l'hilarité devient abjecte quand elle habille l'indifférence, quand elle esquive la gravité du monde. Dans cette pièce, Maguy Marin renonce aux composantes chorégraphiques pour mieux s'en prendre à cette société du divertissement qui consomme plus qu'elle n'agit, qui se distrait au lieu de s'impliquer. Ici, rien d'amusant : c'est la conscience citoyenne du spectateur qui est interpelée. Et si, dans ce défilé de rigolades frivoles pointait la menace inquiétante du totalitarisme ?



2. La danse comme critique sociale


Le regard de l'autruche /Waxtaan

L'oppression, la violence ne sont pas le seul fait des dictatures. En proie à une guerre civile, opposant l'armée régulière aux guérillas, la Colombie vit dans un climat de tension et de peur qui pèse sur la population. Tino Fernández a voulu en témoigner, avec sa compagnie l'Explose. Dans Le regard de l'autruche (La Mirada del Avestruz), il convoque des images fortes qui ravivent le souvenir d'une pièce de Pina Bausch, "Café Muller". Ici, le chorégraphe développe une danse effrénée, travaillée par l'épuisement et la résistance. Palpations humiliantes, bâillonnements étouffants, poursuites harcelantes : le corps lutte, éprouve. Il cherche ses disparus, symbolisés par les paires de chaussures dispersées sur la scène. Il laboure de son poids la terre, dans laquelle, à force de s'entre-déchirer, les chairs meurtries finissent par s'effondrer.


C'est le registre de la satire qu'empruntent Germaine et Patrick Acogny pour fustiger les dirigeants du continent africain. Dans cette première séquence de Waxtaan, les danseurs parodient les politiciens, les puissants dont les grands discours, avec force gestes, n'ont d'autre écho que le silence de l'inaction – Waxtaan, en wolof, signifie « palabres». Gare à la contestation : seuls les muets tiendront place à la table des négociations !

Cette scène n'est pas sans rappeler "La Table verte", de Kurt Jooss, créée en 1932. Le chorégraphe allemand y dénonçait la puissance destructrice de la guerre et son absurdité. Le premier tableau s'organisait autour d'une table verte, métaphore du billard, autour de laquelle décideurs, financiers, hommes de pouvoir, préoccupés par leurs seuls intérêts, mettaient en jeu la paix du monde. Cette œuvre, étonnamment prémonitoire, est considérée comme l'un des premiers grands ballets politiques.
 

La seconde séquence de Waxtaan traite des stéréotypes dans lesquels le spectateur occidental enferme bien souvent le danseur africain, réduit à l'image du bon sauvage ayant le rythme dans la peau. Mais elle laisse aussi entrevoir une perspective plus intéressante. Prisonnier d'un regard bordé d'œillères, le pantin reprend les fils de son destin et compose à sa guise une identité qui s'accommode d'emprunts extérieurs mais reste enracinée dans un héritage culturel d'une formidable richesse.

  


3. Dénoncer l'ostracisme et l'impérialisme


Daddy, I've seen this piece.../Tempus Fugit

Les clichés sur l'Afrique, c'est l'un des thèmes de prédilection de la sud-africaine Robyn Orlin. Tout comme celui de la discrimination raciale, sur lequel se fonda le régime de l'Apartheid. Dans "Daddy, I've seen this piece six times and I still don't know why they are hurting each other" (l'artiste affectionne les titres à rallonge), la danse classique, qui s'est exportée dans le monde entier, est désignée comme emblème de la suprématie blanche. Conséquence : pour prétendre figurer dans l'incontournable Lac des Cygnes, la danseuse n'a d'autre choix que de dissimuler sa couleur d'origine. Mais en fin de compte, en voulant se blanchir, ne se roule-t-elle pas elle-même dans la farine ? Et c'est par le rouge, celui du sang versé par les opposants à la ségrégation, que le contraste citoyen, entre Blancs et Noirs, prendra fin.


Surnommée dans son pays « l'irritation permanente », Robyn Orlin ne se contente pas d'un propos univoque. D'ailleurs, pour ce spectacle, elle a conçu un dispositif permettant de multiples points de vue : captation vidéo surplombant la scène, elle-même constituée d'un praticable autour duquel spectateurs comme interprètes peuvent circuler et se faire une libre opinion.


Une société multicolore, multiculturelle, sans accrocs ni travers ? Ce pari utopique semble loin d'être gagné ! Voilà ce que met en scène Sidi Larbi Cherkaoui, chorégraphe belge d'origine marocaine, dans sa pièce Tempus Fugit. Dans cette chorale cosmopolite, ralliée autour d'un chant en apparence fédérateur, celui du "Temps des cerises", une voix paternaliste vient rompre l'unisson. Le sentiment de supériorité, qui sous-tendit l'impérialisme colonial, remonte immanquablement à la surface. Et l'ancien colon réinvestit la mission civilisatrice qu'il s'était attribué, pour indiquer, d'un ton professoral, la seule manière acceptable de prononcer, celle qui lui appartient ! Du paternalisme à la xénophobie, nous dit le chorégraphe, il n'y a souvent qu'un pas, que le personnage ne tarde pas à franchir.



4. Corps à corps avec la réalité


Still /Here /Incarnat

« Mon histoire est en partie celle de l'exploitation », tonne Bill T. Jones. « Sur scène, mon érotisme, ma sensualité s'accompagnent souvent d'une colère sauvage et d'une rage belliqueuse ». Noir, homosexuel et séropositif, le chorégraphe sait ce que sont l'exclusion et la mise au ban. Dans ses pièces aux charges militantes, il témoigne de sa condition et porte la voix de ceux que la vie a laissé de côté. Still/Here a été conçu à partir de témoignages de malades du sida, que l'artiste a recueilli à l'occasion d'ateliers de « paroles et de mouvement » menés, par lui-même, dans des hôpitaux. Comment continuer à vivre normalement quand on se sait condamné ? Comment affronter l'idée d'une mort programmée ? Autant de questions exorcisées par cette pièce, qui mêle danse, vidéo et texte. Ici, la chorégraphie évoque la solitude de celui qui se sait atteint, son état qui oscille entre abattement et combativité, entre chute et rebond. Elle parle de l'inquiétude du corps contaminé, porteur d'une différence, et qui, malgré sa rage de vaincre, est menacé de raideur. Par la succession de duos, elle célèbre aussi le soutien, le partage, la chaleur humaine.


Créée en 1994, alors que le sida ravageait les milieux de la danse, Still/Here bouleversa le public de la Biennale de la danse de Lyon. En revanche, la pièce déclencha une vive polémique aux Etats-Unis où la presse la taxa de « Victim art », forçant le spectateur à la compassion.


La chair humaine : sujet sensible dont s'est emparé Lia Rodrigues dans Incarnat. La chorégraphe brésilienne qui, dans les années 1980, fut danseuse chez Maguy Marin, choisit d'en montrer la souffrance, dans sa réalité sanguinolente. Son questionnement initial porte sur la subjectivité de la douleur, sur le degré de sensibilité dont fait preuve un individu lorsqu'il est affecté par un drame, une plaie. Sur son degré d'empathie lorsque d'autres sont blessés, ou touchés dans leur âme.


Le caractère saisissant de cette scène tient autant à sa crudité qu'à son ambivalence. Deux lectures, au moins, sont possibles. Le corps martyrisé, torturé et jeté telle une ordure par les bourreaux qui l'ont dépouillé de son humanité. Mais aussi le corps enfanté, attiré par le jour et qui pour le voir, doit subir l'épreuve de la naissance. Secouru, soigné, l'être blessé retrouve enfin le calme.

L'idée clôturant cette séquence participe d'une conception citoyenne dont Lia Rodrigues, en tant qu'artiste chorégraphique, ne veut se départir. Preuve en est : son engagement auprès des populations défavorisées du Brésil. Installée au cœur de la favela de Maré, sa compagnie mène en parallèle un travail de création et des actions pédagogiques pour contrer la violence. « Je conçois l'art comme un instrument de connaissance, dit-elle, et la connaissance est le premier pas qui conduit au changement ».

  

Approfondir

Ouvrages

GAUTHIER, Brigitte. Le langage chorégraphique de Pina Bausch. Paris : L'Arche, impr. 2009, cop. 2008. 213 p.

GUILBERT, Laure. Danser avec le III° Reich : les danseurs modernes sous le nazisme. Paris : éd. Complexe, 2000. 448 p. (Librairie de la danse).

HESPEL, Olivier. Robyn Orlin : fantaisiste rebelle. Toulouse : éd. de l’Attribut ; Pantin : Centre national de la danse, DL 2007. 112 p. (Empreintes).

JONES, Bill T., GILLEPSIE, Peggy (collab.), DUMAIS-LVOWSKI, Christian (trad.). Dernière nuit sur terre [Last night of earth]. Arles : Actes Sud, DL 1996, cop. 1997. 310 p. (Librairie de la danse). 

ROUSIER, Claire. Etre ensemble : figures de la communauté en danse depuis le XX° siècle. Paris : Centre National de la Danse, 2003. 384 p. (Recherches).


Séminaire

DUPUY, Dominique, (dir.). Danse et politique : démarche artistique et contexte historique, synthèse du séminaire organisé par le Centre national de la danse et le Mas de la danse les 8-12 décembre 2001. Pantin : Centre National de la Danse, 2003. 64 p. (CND Hors Collection).

Auteur

Anne Décoret-Ahiha est anthropologue de la danse, docteur de l'Université Paris 8. Conférencière, formatrice et consultante, elle développe des propositions autour de la danse comme ressource pédagogique et conçoit des processus participatifs mobilisant la corporéité. Elle anime les « Échauffements du spectateur » de la Maison de la Danse.

Générique

Sélection des extraits 

Olivier Chervin


Textes et séléction de la bibliographie

Anne Décoret-Ahiha


Production

Maison de la Danse



Le Parcours "L'artiste engagé" a pu voir le jour grâce au soutien du Secrétariat général du Ministère de la Culture et de la Communication - Service de la Coordination des politiques Culturelles et de l'Innovation (SCPCI)

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