Les chemins de la force et de la beauté – Nicholas Kaufmann, Wilhelm Prager
Au début du XXème siècle, des artistes et penseurs de tous bords se sont réunis à la Monte Verità pour chercher d’autres voies de création et de vie en réaction aux codes et aux conventions de la société bourgeoise d’alors. Imaginez, une communauté perchée dans les montagnes de la Suisse italienne où se retrouvent le psychanalyste Carl Gustav Jung, le peintre Paul Klee, les écrivains Hermann Hesse et James Joyce, les danseurs Rudolf Laban, Mary Wigman, Isadora Duncan. Dans cette communauté faite de naturisme, de spiritualisme, de végétarisme et de beaucoup d’utopismes, les avancées de la psychanalyse ouvrent les portes de l’individuation.
C’est au Monte Verità par exemple que Mary Wigman créa ses Danses extatiques et sa fameuse Danse de la sorcière et qu’elle développa son travail d’improvisation.
Dancing my cancer - Anna Halprin
Depuis ses débuts dans les années 1940, Anna Halprin est en quête d’une danse qui serait l’écho parfait de sa personnalité, une danse dont les mouvements seraient les messagers les plus fidèles de sa pensée. Elle cherche alors à revenir à l’essence du mouvement, et sortir de la danse spectaculaire et codifiée produite dans les théâtres. Elle part des mouvements du quotidien qu’elle appelle « tasks » et les décline dans des scénarios d’improvisation qu’elle propose à ses groupes de travail.
Sa confiance dans le pouvoir du corps, qu’elle a expérimentée personnellement lorsqu’elle a dû lutter contre son cancer de l’utérus, l’amène à développer une approche curative de la danse qu’elle nomme « Healing dance ».
Anna Halprin a créé avec son mari architecte une maison en bois en caroline du Nord avec un plateau de danse donnant sur la nature. La danse qu’elle développe au gré de ses ateliers, rencontres et réflexions, habite ces lieux et s’étend même jusqu’aux plages du Pacifique et aux cascades alentours.
Roof and fire piece - Trisha Brown
Au début des années 60, le post-modernisme, mouvement new-yorkais issu du Judson Dance Theater, posa la question de la scène et du rapport à la représentation et au spectaculaire. Trisha Brown l’une des initiatrice de ce courant emmena la danse dans les rues, dans les parcs, sur les façades et sur les toits de New York. Elle développe une réflexion autour de l’art de l’improvisation et propose des performances in situ.
Dans sa pièce, Roof and fire piece, la chorégraphe remet en question le statut de spectateur. Danseurs et publics se partagent l’espace et ce dispositif permet d’offrir au spectateur une grande variété de points de vue sur la performance, et aux danseurs, une grande variété d’axes pour s’exprimer.
Prélude à la mer - Thierry De Mey
Avec le développement de la vidéo dans les années 80, chorégraphes et cinéastes se jouent de l’espace, du temps, des axes et des points de vue en proposant des chorégraphies faites pour l’image appelées « vidéo danses ».
Thierry De Mey, compositeur et cinéaste, et Anne Teresa De Keersmaeker, chorégraphe, forment un duo exemplaire depuis cette époque. Ils inscrivent la danse d’Anne Teresa De Keersmaeker dans des lieux toujours étonnants, naturels ou urbains. La danse, pourtant très écrite, se laisse inspirer par la beauté de la nature ou de l’architecture environnantes. La composition chorégraphique est retravaillée pour la caméra. Elle est alors révélée différemment selon les axes et valeurs de plans choisis au moment du tournage et selon les rythmes et techniques de montage.
Inferno - Romeo Castellucci
Grimpeur émérite, Antoine Le Ménestrel a fait partie de cette génération de danseurs qui a fait sortir la danse de sa frontalité mais également de son horizontalité. La danse-escalade ou danse verticale explore les façades des immeubles, les gorges du Verdon, mettant en scène des danseurs, des décors et même des projections vidéo.
Danseur de façade, de murs et de murailles, il a récemment gravi l’extraordinaire façade de la Cour d’honneur du Palais des Papes à Avignon dans le spectacle Inferno de Romeo Castellucci puis dans la pièce intitulée Cour d’honneur de Jérôme Bel.
Là commence le ciel - Julie Desprairies
Depuis une quinzaine d’années, Julie Desprairies développe son travail d’ « environnement chorégraphique » en investissant des lieux architecturaux. Les projets de la chorégraphe nécessitent plusieurs mois d’imprégnation pour comprendre le contexte physique, les intentions conceptuelles et proposer finalement une déambulation chorégraphique qui révèle le bâtiment. Cet extrait de Là commence le ciel, fait écho à Roof and fire piece de Trisha Brown. Julie Desprairies s’inspire d'une danse exhumée des archives municipales écrite par une institutrice pour ses élèves lors des Fêtes de la jeunesse villeurbanaises en 1966.
La chorégraphe traduit par la danse l’architecture de ce quartier de Villeurbanne construit en 1934 et appelé « Les Gratte-ciel ». Le caractère majestueux des tours et de l’avenue est souligné par la seule présence du corps des danseurs.
Kilometrix.dancerun.4 - Foofwa d’Immobilité
Né Frédéric Gafner, il se définit lui-même comme « danseur, chorégraphe et chercheur en pratique et théorie de la danse ». A cette description pourrait être ajoutés performeur tous azimuts, inventeur fou, défenseur infatigable de la danse et de son histoire, touche-à-tout scénique et multimédia.
Dans Kilometrix.dancerun.4, il crée le concept des courses dansées ou danses courues, qu’il propose à travers les villes qu'il sillone : Paris, Lyon, Zurich, Le Caire, Bologne.
Sorte de fou du roi de marathon artistique, il invite les urbains à le suivre par tous modes de transports sur 5 à 15 kilomètres. Il embarque également un vidéaste sur patins à roulettes qui, à l’issue de la course, projette la vidéo et crée le débat.
Trajectoire fluide - Kitsou Dubois
Danse et arts, arts et sciences, danse et cirque, le parcours et les créations de Kitsou Dubois sont multiformes mais sa quête est unique : la gravité.
Depuis de nombreuses années, elle expérimente la micro-gravité et l’apesanteur au cours de vols paraboliques avec son équipe de danseurs et de circassiens. Elle immerge les interprètes dans des milieux où la gravité est altérée et perturbe nos repères.
Dans sa pièce Trajectoire fluide, elle associe la projection de vidéos où les danseurs évoluent sous l’eau, un trampoline, des élastiques, des chaises permettant aux danseurs circassiens de se soustraire aux lois de l’apesanteur et de l’équilibre…le temps d’une danse.