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Le hip hop, un mouvement populaire

02:40

Paris Bloc Party

Nasty, Dee (France)

01:31

H.I.P H.O.P

Sydney (France)

04:43

Kaskadanse

Deloche, Pierre (Extrait Kaskadanse [NUMERIDANSE].mp4)

02:12

Faire kifer les anges [But - Hop]

Henchiri, Zoro Ouanes (France)

02:40

Faire kifer les anges

Nuissier, Gabin (France)

03:03

Red Bull BC One World Final 2009

Lilou EXTRAIT .mp4 (Lilou EXTRAIT .mp4)

04:26

Les arènes du Hip-Hop

Les arènes du Hip-Hop (Les arènes du Hip-Hop)

Le hip hop, un mouvement populaire

Maison de la danse 2023 - Director : Belanger, Juliette

Auteur : Rose-Amélie Da Cunha

en fr

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Dans quel contexte apparaît le Mouvement hip-hop et comment la danse se développe de manière phénoménale en France ?


De la danse hip-hop on dit parfois qu’elle a gagné ses « lettres de noblesse ». 

Aujourd’hui, en 2023, elle est partout : dans les théâtres, les grands événements, à la tête des centres chorégraphiques nationaux, dans les clips, les publicités, sur les podiums des défilés, dans les concerts derrière des chanteurs et chanteuses adulé.e.s et bientôt aux Jeux Olympiques.  Pourtant, aux origines, le hip-hop est une contre-culture qui se développe dans un contexte de tensions, de violences même. Elle est le moyen d’expression d’une génération qui a besoin d’exister dans une société à deux vitesses. 

Quand on parle de danses hip-hop, il est d’usage d’évoquer un héritage même si, sans historiographie propre, il est difficile de situer précisément son apparition. On se laisse alors guider par les récits des acteur.ice.s du mouvement, parfois divergents, privilégiant l’oralité de cette culture. On peut s’accorder sur l’influence de figures politiques telles que Malcom X et Martin Luther King, icônes des mouvements afro-américains pour abolir les discriminations raciales aux Etats-Unis de 1954 à 1965. Ou encore l’inspiration des provocations verbales et du jeu de jambes de Muhammad Ali, un des plus grands boxeurs de tous les temps.

En 1974 Afrika Bambaataa, musicien, fonde l’organisation « Zulu Nation » à New York et initie des grands rassemblements festifs – les block parties – qui réunissent danseurs, DJs, MCs et graffeurs. Il imagine alors une alternative positive à la lois des gangs dans le Bronx.  Les années 70 c’est aussi l’apogée de la funk, de l’émission Soul Train, de son dancefloor enflammé et des performances scéniques inoubliables de James Brown, chanteur, musicien et danseur. 

La danse hip-hop part d’un mouvement d’affirmation de soi et d’une audace artistique à contre-courant des expressions artistiques de masse. Elle s’est propagée de manière spectaculaire et la France en est devenue une référente singulière dans le paysage international. 

Descripción

En France, le Mouvement hip-hop arrive par les petits et grands écrans


Dès les années 80, le hip-hop occupe une place de choix dans la culture populaire : Michael Jackson doit certains de ses plus fameux pas au danseur Popping Taco. Les Electric Boogaloos, groupe dont il faisait partie avec Suga Pop, Popping Pete et Boogaloo Sam, participent aux clips de Thriller, Bad et Smooth Criminal. On voit les Rock Steady Crew – Mister Freeze et Crazy Legs – dans les films Flashdance et Beat Street. La mondialisation permet de diffuser ces danses au-delà des Etats-Unis et d’inspirer de nouveaux adeptes. En 1982, la chaîne de radio Europe 1 organise la tournée européenne « New York City Rap Tour ». Avec son équipe de rappeurs et de danseurs (parmi eux le Rock Steady Crew), elle passera notamment par Paris et Lyon. 

Les DJs parisiens – Dee Nasty, Sidney, Chabin – quant à eux ramènent la culture hip-hop de leurs voyages aux Etats-Unis. Ils se produisent dans plusieurs clubs : Le Globo, Le Bataclan… Dee Nasty organise près du métro La Chapelle, sur un terrain vague, des block parties illégales, où les danseurs viennent s’entraîner et se défier. Joey Starr et Kool Shen sont présents. Ils feront ensuite carrière dans le rap avec leur groupe NTM. En 1995, le groupe Aktuel Force (Karim Barouche, Karima, Gabin Nuissier, Laos, Nabil Khamsa, Idriss, Xavier Plutus, Pascal et Fox) apparaît dans leur clip Tout n’est pas si facile (1995) et dans le film La Haine de Mathieu Kassovitz. 

« A l’époque les héros s’appelaient Aktuel ». Tout n’est pas si facile, NTM

Dès le 14 janvier 1984, chaque dimanche soir, Sidney officie sur TF1 avec H.I.P. H.O.P.. Pour les tournages les équipes se rendent dans les banlieues et les cités. Le hip-hop se propage, la culture se diffuse. Les danseurs deviennent des stars. Le Paris City Breakers, groupe formé pour l’occasion, apparaît dans chaque émission : démonstrations, leçons de danse, jury de battles… On découvre alors, aux côtés de Solo, Skalp et Niko Noki, un certain breaker fou : Franck II Louise. Ils tournent sur les mains, le dos, la tête. C’est frais, fun et permet à des jeunes, parfois en errance, de développer de nouveaux projets de carrières en étant propulsés très rapidement sur le devant de la scène.

 

La danse hip-hop est accompagnée par la politique de la ville dans une volonté d’apaisement des quartiers


En France, comme aux États-Unis, le contexte social est le terreau du développement de la culture hip-hop. L’été 1983 est marqué par de rudes affrontements entre jeunes et policiers faisant suite à plusieurs crimes racistes. La « marche des beurs » ou marche pour l’égalité et contre le racisme, passe par le quartier des Minguettes en banlieue lyonnaise. Les pouvoirs politiques cherchent à contenir les minorités en multipliant les aides aux dispositifs favorisant l’animation culturelle et la création artistique.

A Bordeaux, le Forum culture et quartiers, organisé en janvier 1985, affirme la volonté du Ministère de la Culture, piloté par Jack Lang, d’accompagner le développement social des quartiers. Il accueille la première pièce scénique française, chorégraphiée par la compagnie Black Blanc Beur. Elle connaîtra ensuite 4 ans de tournées. On assiste à l’essor de la démocratisation culturelle et à la fusion entre culturel et socio culturel qui encourageront le développement singulier de la danse hip-hop en France. 

A Lyon, le quartier des Minguettes à Vénissieux est un laboratoire national de la Politique de la Ville*. Le travail de la compagnie Traction Avant et de son fondateur Marcel Notargiacomo, alors animateur du centre culturel Boris Vian, donne un élan pionnier à la création en danse hip-hop. Elle fédère les énergies urbaines et développe des projets originaux avec de futurs danseurs et chorégraphes hip-hop.

En 1985, Marcel Notargiacomo fait appel à Pierre Deloche, danseur et chorégraphe contemporain passé par la compagnie de Merce Cunningham à New-York, pour imaginer Kaska-danse. Un mariage de l’écriture contemporaine avec les rythmes du break et du smurf pour des jeunes gens, lycéens, travailleurs ou chômeurs, de 16 à 18 ans. Le spectacle est créé à la Maison du Peuple - aujourd’hui théâtre - de Vénissieux et tournera jusqu’en 1986 avec Fatiha Bouinoual, Samir et Ruchdi Hachichi, Fred Bendongué et Zoro Henchiri. C’est ensuite la rencontre avec le Butô qui est à l’origine de la création Un break à Tokyo, en 1991, sous la direction de Sumako Koseki. La chorégraphe japonaise et Zoro Henchiri approfondiront ce langage commun avec Désert(s) en 1997. La danse est profonde, lente, peu démonstrative et résiste, majestueuse, dans des désastres urbains. 

* La politique de la ville a pour but de réduire les écarts de développement au sein des villes. Elle vise à restaurer l’égalité républicaine dans les quartiers les plus pauvres et à améliorer les conditions de vie de leurs habitants, qui subissent un chômage et un décrochage scolaire plus élevés qu’ailleurs, et des difficultés d’accès aux services et aux soins, notamment.


La France élève le niveau et devient une référence


Le hip-hop français n’aurait pas été le même sans ses espaces d’entraînements mythiques, au cœur des grandes villes. Ce ne sont pas des lieux de démonstration mais des laboratoires : le meilleur moyen de progresser c’est d’échanger. Le mode d’apprentissage de pair à pair, informel mais codifié est caractéristique de la danse hip-hop. A Paris les danseurs se retrouvent dans les clubs et les discothèques, mais aussi à La Chapelle, Boulevard de la Villette, au Trocadéro… Ainsi qu’au Forum des Halles, sur la dalle en marbre, parfaite pour glisser et sa place de la rotonde couverte, inaugurée en 1985. L’émission H.I.P. H.O.P. ne dure que 8 mois et les mordus de la discipline, comme le groupe Aktuel Force, ont besoin d’endroits pour se réunir. La qualité des sols est primordiale et les Halles sont au croisement des lignes de métro et de RER. A Lyon, on se retrouve au Centre Commercial de La Part Dieu, sur le Parvis de l’Opéra et aujourd’hui celui du Musée des Confluences.

De la même manière, le battle constitue une étape essentielle dans le parcours de très nombreux danseurs. Il stimule le dépassement de soi et la créativité, qu’il soit en groupe ou en individuel. Il permet à certains danseurs de se professionnaliser via les compétitions puis par la fonction de juge. En 2001 a lieu à Seattle le premier événement de break organisé et sponsorisé par Red Bull - la boisson énergétique - le Lords Of The Floor où les danseurs sont traités comme des rock stars. C’est un déferlement de phases audacieuses, de handstands à une main, de spins et de freezes étourdissants ! Dans la continuité, en 2004, Red Bull produit le désormais mythique Red Bull BC One : une compétition internationale annuelle de breakdance opposant seize Bboys qui se rencontrent dans des matchs à élimination directe, devant cinq juges, à partir des huitièmes de finale. Lilou, fierté Lyonnaise, originaire de Vaulx-en-Velin, l’a gagné 2 fois : en 2005 contre le coréen Hong 10 et en 2009 face à l’américain Cloud. En 2018, la compétition intègre enfin une catégorie Bgirl, dédiée aux femmes.

Le premier Battle of the Year a lieu à Hanovre en Allemagne en 1990. A l’époque, la compétition de break en équipes, s’appelait « International Breakdance Cup ». Dès 1998, des qualifications sont introduites internationalement. Pour la France, la sélection a lieu à Montpellier, terre d’accueil de la finale internationale à partir de 2010. La particularité de ce battle c’est d’être un véritable incubateur de la scène. Chaque groupe de break présente une chorégraphie courte (5/10 minutes) pour mettre en avant ses qualités scéniques. Un jury de 5 personnes choisit les 6 meilleurs qui s'affronteront ensuite en défis. Un prix est également décerné pour la meilleure performance chorégraphique. C’est le point de départ de nombreuses compagnies françaises pour leur passage « de la rue à la scène » : Pockemon Crew, Wanted Posse, Vagabond Crew, Melting Force. Nombreux ont ensuite développé leur show pour le présenter sur les scènes des théâtres. Les parisiens du Bad Trip Crew, formé en 2001 par Bboy Almo et Bboy Darwin (Saïdo Lehlouh), se démarquent par leur style original et la personnalité de chacun de ses membres.  Ils créent en 2016 la pièce Wild Cat pour revisiter le break des années 90 et ce style parisien qui, dans la forme esthétique du mouvement, rappelle la façon précise et délicate de bouger d’un chat.

La créativité des artistes et activistes, les volontés politiques et le soutien de certains directeurs de théâtres vont permettre à la scène artistique hip-hop d’exploser dans les années 90 en France. Un chemin spécifique qui a permis à de grands chorégraphes d’émerger et à la danse hip-hop de se forger une place majeure dans le paysage chorégraphique français. 

En mas profundidad

Ouvrages

Bazin, Hugues. La Culture Hip-Hop – Paris : Desclée de Brouwer, 1995. 306 p. (Coll. Habiter)

Moïse, Claudine. Danseurs du défi, rencontre avec le hip-hop – Montpellier : Indigène, 1999. 140 p.

Bérillon, David, Ramires, Thomas, Mustapha Lahcen.  Danses hip-hop, breaking et danses debout –Paris : Editions EPS, 2020. 184 p. 

Bendongué, Fred. Up Rock – Histoire de danse, histoire d’une vie. Paris : Les 3 colonnes, 2022. 222 p. 

Omori, Yoshi. Mouvement – du terrain vague au dance floor 1984-1989. Marseille : Le Mot Et Le reste, 2017. 192 p. 


Série

Quillévéré, Katell, Cisterne, Hélier, Elkaïm, David. Le monde de demain. 2022


Articles en ligne

https://fresques.ina.fr/rhone-alpes/fiche-media/Rhonal00271/la-marche-pour-l-egalite-et-contre-le-racisme.html

https://autour-de-paris.com/project/terrain-stalingrad-lieu-mythique-histoire-hip-hop

https://www.telerama.fr/sortir/premier-sur-le-rap-sidney-raconte-la-vraie-histoire-dh.i.p.-h.o.p.,-lemission-culte,n6195519.php



Remerciements : Youval, François Gautret, Christian Tamet, Franck II Louise, Fred Bendongué, Ousmane Sy et toustes les activistes rencontré.e.s ces 17 dernières années. 

Auteur

Au départ du projet de Rose-Amélie Da Cunha, il y a une dimension sociale et militante. Originaire d’un milieu populaire, les danses urbaines ont été pour elle une porte d’entrée, une source d’inspiration et un encouragement à s’autodéterminer. Après des études spécialisées dans l’évènementiel et la médiation culturelle, elle œuvre pendant 12 ans au développement de Pôle Pik, centre chorégraphique hip-hop, du Festival Karavel puis de Pôle en Scènes, en région lyonnaise.

En 2020, elle poursuit son engagement pour la danse et l’accompagnement des artistes au sein de La Villette à Paris, en étant chargée de la programmation du hip-hop et de la coordination du dispositif, cofondé par la Fondation de France : Initiatives d’Artistes en Danses Urbaines (IADU). Actuellement freelance au sein d’une Coopérative d’Activité et d’Emploi (CAE), convaincue par la capacité de l’Économie Sociale et Solidaire à réaliser de grandes transformations, elle accompagne des porteurs de projets dans la réalisation de leurs idées, en étant particulièrement attentive à la question de la représentation des minorités dans la création artistique. Ainsi elle conseille L’Azimut en Île-de-France pour la programmation des spectacles de danse depuis novembre 2021 et a été missionnée par le festival Les Nuits de Fourvière pour assurer la conception et la co-direction artistique de l’évènement « Vogue la nuit », aux SUBS à Lyon en juillet 2022. Elle collabore actuellement à l’écriture de parcours autour des danses hip-hop pour la plateforme Numeridanse, à l’organisation d’évènements festifs pour La Biennale et la Maison de la danse de Lyon et à la programmation danse et cirque de la Maison de la Culture (MC2) de Grenoble. En 2023 elle lance une réflexion collective pour l’accompagnement de la professionnalisation du secteur chorégraphique en Région Auvergne-Rhône-Alpes. En parallèle elle s’engage bénévolement dans plusieurs organisations lyonnaises faisant écho à ses convictions : Rêv’Elles, le Café Rosa et le Conseil de Quartier de la Guillotière où elle réside.

Creditos

Sélection des extraits 

Rose-Amélie Da Cunha 

Textes et sélection de la bibliographie 

Rose-Amélie Da Cunha 

Production 

Maison de la Danse

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